Œuvre culte de la bande-dessinée franco-belge signée Jean Van Hamme, XIII fait incontestablement partie de ces albums cultes de notre culture BD. Seulement, malgré deux tentatives d'adaptation à la télévision (et un excellent jeu-vidéo, tout de même) la série n'a jamais trouvé chaussure à son pied. Il est donc temps de rendre justice à XIII avec ce dixième numéro de Please Hollywood.
Avant-propos
Il faut savoir que Jean Van-Hamme n'a jamais été très accueillant quand il s'agissait d'adapter les albums de XIII, qu'il a créé aux côtés de son compagnon dessinateur William Vance. Il aurait ainsi refusé, pendant de longues années, les propositions du cinéma. En 2007, Canal + et Showcase réussirent tout de même à intéresser le scénariste en lui présentant un projet de mini-série intitulée La Conspiration, qui sera prolongée en 2011 par un show simplement nommée XIII la série. Et si le format feuilletonnant permettait sans doute à ces deux productions de traiter nombre des enjeux de la série en bande-dessinée, il ne rend pas tout à fait honneur à l'esprit de XIII, qui se situe quelques part entre le thriller politique et le film d'action musclé.
Adapter XIII en film, n'en déplaise à Van-Hamme, n'est pas forcément manquer de respect à son œuvre. Après tout, même des pavés comme Watchmen ont réussi à être adaptés au cinéma. Miser sur le septième art, c'est aussi s'attirer une exposition médiatique plus grande et potentiellement, de plus gros moyens. D'où une réalisation dirigée par l'un des artisans les plus sous-estimés d'Hollywood, le grand Michael Mann.
Réalisation
Du haut de ses 72 ans, Michael Mann se repose sur une filmographie marquée par un style inimitable et des sujets récurrents. On connaît le réalisateur pour deux caractéristiques principales, et a priori antinomiques : d'un côté, Michael Mann porte une attention toute particulière aux détails, en livrant des films vraisemblables, qui prennent soin de se renseigner sur tout ce qu'ils mettent en scène : fusillades, évenement historiques, hacking... J'en passe et des meilleurs. De l'autre, le réalisateur traite la plupart de ses histoires comme les plus épiques des mythes. Il l'avoue d'ailleurs lui-même : il est passionné par les conflits extrêmes, et il s'attaque à ces derniers avec une narration et une réalisation qui prend très vite des proportions dantesques : on peut penser aux frères ennemis dans Heat, par exemple.
Tout ça pour vous dire que les tics de réalisation de Michael Mann sont à mon sens en phase avec l'intrigue de la bande-dessinée XIII. Du moins ses treize premiers albums, qui sont, toujours selon moi, les meilleurs de la série, et de parfaits exemples d'un thriller conspirationiste maîtrisé. Un sous-genre qui colle déjà à la peau de Michael Mann, lui qui s'est intéressé au cyberterrorisme dans Blackhat et à une industrie aussi particulière que celle du tabac dans The Insider. Donnez à cet homme un héros amnésique, une conspiration impliquant la Maison Blanche et l'instauration d'un état totalitaire, et vous obtiendrez, a tous les coups, un thriller de haute volée dans la plus pure tradition du Classic Hollywood, ponctuée par des scènes d'action d'une tension et d'une précision incroyables.
Direction artistique
Puisque Michael Mann reste fidèle à son style et ses thèmes favoris d'un film à l'autre, nous n'avons aucune raison de le faire changer de direction artistique pour cette adaptation de XIII, qu'il ne faudra pas traiter comme une simple exploitation de licence, mais bien comme un thriller politique teinté d'action dans la veine de la filmographie de Michael Mann. Le réalisateur conserverait ici tout ce qui a fait sa réputation : des plans larges, une fascination pour les villes et un travail sur la musique tout particulier.
Il s'agirait de rendre, à chaque plan, l'amnésie du personnage et la tension qui se dégage de l'intrigue. Sans aucun doute, le réalisateur a déjà toutes les armes en main pour s'approprier l'histoire de XIII et la traduire visuellement avec un métrage complet. Son talent pour mettre en scène les fusillades sera lui aussi mis à bon escient. Entre ses histoires d'assassinats et ses gunfights, la saga XIII sera un véritable terrain de jeu pour Michael Mann, qui tentera de réitérer la virtuosité des scènes d'action de Heat ou de Miami Vice.
Casting
Pour incarner notre protagoniste amnésique, nul acteur ne saurait être plus impressionant que Tom Hardy. L'acteur britannique dispose d'un charisme énorme, et a prouvé qu'il était capable de transcander tous les rôles aux côtés des meilleurs réalisateurs. Devant la caméra de Michael Mann, réputé pour être l'un des réalisateurs les plus exigeants d'Hollywood, Hardy donnerait sans aucun doute le meilleur de lui-même. De plus, sa palette de talents, au demeurant énorme, lui permettrait d'évoluer au sein du rôle, à mesure que la mémoire lui revient. Et pour terminer sur les qualités de l'acteur, il faut rappeler que son nom est plus que jamais bankable à l'heure où nous le découvrirons bientôt dans le quatrième épisode des aventures de Max Rockatansky.
Face à une telle pointure, on ne peut qu'imaginer un casting en or massif. C'est pourquoi les seconds rôles seront portés par des acteurs au moins aussi respectables que le génial Tom Hardy. Pour commencer, il nous faut une actrice à même de faire honneur au génial personnage du lieutenant Jones. Et je ne vois que Rosario Dawson pour incarner cette militaire pas comme les autres, qui servira autant de vecteur à l'action que de love interest : il ne s'agit pas de transformer Jones en simple faire-valoir.
Du côté des méchants, La Mangouste, personnage emblématique de la série de BD, ne pourrait être joué que par le génial Jonathan Banks. J'en suis conscient, le choix est l'évidence même, puisque l'acteur incarnait déjà un tueur à gages dans Breaking Bad. Mais l'occasion est trop belle pour être manquée : du haut de ses 68 ans, Banks écrase tous les plans de son étrange présence et de sa voix rauque. Il est né pour jouer La Mangouste, il lui suffira d'enfiler un imperméable pour vous convaincre, croyez-moi.
Au registre des autres rôles clés, j'appelle Liam Neeson dans le rôle du général Benjamin Carrinngton. Il est grand temps de faire revenir l'acteur dans un registre plus sain pour sa carrière que le film d'action sauce Europacorp. Non pas que Liam Neeson soit mauvais dans ce genre de rôles, mais il serait sûrement meilleur dans celui d'un vieux général plein de principes. Et Michael Mann sachant tirer le meilleur des ressources à sa disposition, cela ne fait aucun doute, Neeson serait un Carrington parfait, d'autant plus qu'il sait poser avec un cigare au bec. Pour terminer sur cette section casting, je verrais bien Joseph Gordon-Levitt incarner Wally Sheridan, sénateur ambitieux et désinvolte, dont le physique et l'attitude cachent un manipulateur hors-pair. L'acteur idéal pour incarner un personnage aussi insoupçonné, et qui a le mérite d'avoir déjà travaillé avec Hardy dans Inception.
En somme, ce film XIII dépasserait sa condition d'adaptation pour rendre justice à la profondeur et la complexité du thriller de Jean Van Hamme, dont les thèmes sont plus sensibles et actuels que jamais. On sait Michael Mann capable de dénoncer ou en tous cas d'interroger, tout en nous divertissant avec une réalisation poignante et épique, XIII pousuivrait donc dans cette lignée. La bonne histoire pour le bon artiste, pour faire simple.









