Depuis la sortie de son premier tome il y a 21 ans, Blacksad est un monument de la bande dessinée.
Et pourtant, l’équation de base est osée : un polar classique se passant aux États-Unis dans les années 40 et 50, mais avec des personnages d’animaux anthropomorphes. De quoi dérouter certains.
Et pourtant: Blacksad est ce polar qui a su séduire les lecteurs qui ne sont pas fans de polar, cette BD avec des chats, des fouines ou des caïmans qui a su captiver ceux qui d’ordinaire ne jurent que par les histoires 100 % réalistes.
Sombre et mystérieux scénario
Le secret ? Des scénarios durs et sans concessions, mais surtout des choix graphiques qui transforment chaque planche en véritable œuvre d’art. Composition, cadrages, trait, couleurs, tout dans Blacksad est au summum de ce que la bande dessinée actuelle propose. Et ce dernier tome ne déroge pas à la règle.
Alors, tout tombe est une sombre histoire qui commence quand les routes remplacent les transports en commun, et qui va impliquer à la fois les hautes sphères de la ville, une troupe de théâtre et le syndicat des travailleurs du métro. Sombre histoire qui, à la fin de ce tome, reste encore pleine de mystère : il faudra attendre la seconde partie pour en démêler tous les fils.
Mais qu’importe : les Blacksad sont des bandes dessinées ayant un taux de relecture potentiel énorme. Chaque histoire est un tel plaisir pour les yeux que les fans seront heureux de ressortir de temps à autre cet album juste pour en admirer les meilleures cases, en attendant la suite.
Une ville vivante comme jamais
Car le dessinateur Juanjo Guarnido, aussi connu pour de grandes oeuvres comme Les Indes Fourbes, s’est ici surpassé pour proposer des ambiances particulièrement marquantes et marquées. Que ce soit une foule bucolique, assise dans l’herbe en train d’assister à un spectacle, une salle de rédaction peuplée de journalistes hilares, un dantesque chantier de métro ou un hall de gare quasi désert à la nuit tombée, rarement ville de bande dessinée aura été dépeinte avec autant de justesse, rarement elle aura paru si vivante, rarement chacun de ses membres aura été croqué avec une telle subtilité.
Guarnido dessine le monde. Et si ses personnages ont des trognes d’animaux, celles-ci sont particulièrement expressives, leurs gestes et attitudes touchent juste comme jamais, et ils sont au final plus réalistes et fascinants que la plupart des pantins que l’on peut croiser dans d’autres bandes dessinées.
Chaque visage, chaque geste, mais aussi chaque lumière et chaque cadrage, dans cet album, donne envie d’y revenir, de s’y appesantir, de le contempler longuement. Au final, même si l’histoire n’est pas achevée (la suite arrive en 2023), ce Alors, tout tombe (Première partie) trouvera bien évidemment et sans problème sa place dans les étagères de tous les fans de bande dessinée.
Blacksad T6: Alors, tout tombe (Première partie), de Juan Diaz Canales & Juanjo Guarnido, Dargaud
Illustrations © Juan Diaz Canales/ Juanjo Guarnido / Dargaud