Le point fort de Fée des Sixties, celui qui nous a tout de suite donné envie, c’est son univers au concept inédit : et si dans les années 60, en pleine explosion du rock britannique et du mouvement hippie, l’humanité avait découvert l’existence d’un peuple féérique ? Un mélange à première vue étonnant, mais qui prend tout son sens avec le traitement qu’en font les auteur.trice.s, sur fond d’enquêtes policières ou journalistiques.
Les auteur.ice.s changent à chaque album, avec Jul Maroh & Giulio Macaione pour le premier tome ; Gihef, Christian Lachenal & Alberto Zanon pour le second ; Alice Geslin & Loreto Aroca pour le troisième ; et Harry Bozino & Maria Riccio pour le quatrième.
Libération des mœurs
Bien sûr, les années 1960 n’ont pas été choisies de manière anodine. Cette décennie marquée par l’avènement de nouveaux styles musicaux et de diverses contre-cultures correspond aussi à une libération des mœurs, et à une vague de tolérance. Mais une tolérance loin d’être exemplaire, y compris au sein des mouvements progressistes. Et qui dit progressisme dit aussi résistance à celui-ci, et réactions violentes des homophobes, racistes, sexistes et xénophobes de tous bords. Les sixties peuvent se voir comme un terrain d’affrontement entre deux mondes, une période pivot pour le grand défi qu’est le changement des mentalités.
Un contexte idéal pour aborder, en utilisant le peuple féerique pour les illustrer et les accentuer, une multitude de sujets ayant trait à la place des femmes et des minorités : des violences et discriminations à l’inclusion et à la visibilisation, en passant par l’absence de soutien, l’acceptation de soi et des autres, l’ouverture d’esprit, … Les sujets queer, de l’homosexualité à la non-binarité, sont particulièrement mis en avant (avec un jeu sur le double sens du terme anglais fairy, se traduisant par fée mais aussi utilisé pour désigner un homosexuel de manière négative). Au second plan, on notera également un propos sur le respect de la nature, un sujet qui colle à la fois aux fées et au mouvement hippie.
Ce point de vue ambivalent sur les années 60 n’empêche pas les auteur.trice.s de Fées des Sixties de rendre hommage aux mouvements artistiques de cette époque et aux lieux qui les ont vus prospérer (Liverpool, Manchester, Londres, …). Les références musicales, en particulier, sont très nombreuses et raviront les fans de rock !
Points forts et faibles des anthologies
Anthologie oblige, le trait change en fonction du dessinateur.trice, sans que ce ne soit gênant car ils sont tous choisis judicieusement : les pattes graphiques sont suffisamment différentes pour apporter du renouveau à chaque album, mais suffisamment proches pour donner une cohérence globale à l’univers. Les artistes s’amusent en jouant sur les tendances des années 60, que ce soit au niveau de leurs couleurs ou des styles vestimentaires de leurs personnages.
Petit bémol, la difficulté à développer des personnages et des histoires complexes dans des albums one-shot de 56 pages. Les scénarios sont un peu attendus, et les relations amoureuses ou amicales se développent un peu rapidement. Mais peu importe : les personnages sont attachants et inspirants, l’univers malin, les enquêtes dynamiques, … On se laisse happer avec un grand plaisir par cette anthologie engagée.
La collection comptera au total 4 volumes, avec un rythme de parution très rapproché. Les 3 premiers sont parus respectivement en février, avril et juin, et le quatrième arrivera en septembre 2023.
Fées des Sixties est une collection de récits dynamiques et engagés, qu’on peut lire au choix de manière indépendante, ou comme une saga au sein d’un univers au concept fort. Amoureux des 60’s ou amateurs de récits qui utilisent le fantastique pour aborder des sujets contemporains, c’est pour vous !
Fées des Sixties, collectif, Les Humanoïdes Associés
Illustrations : © Jul Maroh / Giulio Macaione / Les Humanoïdes Associés pour le premier tome
© Gihef / Christian Lachenal / Alberto Zanon / Les Humanoïdes Associés pour le second tome