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par Elsa - le 9/11/2016
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par Elsa - le 9/11/2016

L'année de la chèvre - Bernardette, la critique

Au début des années 2000 paraissait L'année du dragon. Un récit sensible, sur un scénario de François Duprat qui mêlait son trait à celui de Vanyda.

Une dizaine d'année après la fin de cette trilogie (publiée intialement chez Carabas mais que La Boite à Bulles réédite en un seul tome pour l'occasion), le duo nous prouve que les personnages d'un livre continuent de vivre bien après qu'on l'ait refermé. Cette fois-ci, c'est Vanyda qui signe le scénario de L'année de la chèvre et qui invite François Duprat à dessiner avec elle. On y retrouve Bernadette, un des personnages secondaires de L'année du dragon.

Année morose.

Dans L'année du dragon, on suivait Frank pendant 'son année', puisque dragon était son signe astrologique chinois. Bernadette est chèvre, et on la retrouve à l'aube de 'son année' également. Celle qu'on a connue jeune femme a maintenant trente-six ans, son mariage a perdu la magie de ses débuts, sa fille est en pleine crise d'adolescence, et le reste de ce qui compose sa vie n'est ni plus simple, ni plus joyeux. Pour lutter contre la déprime, elle décide de se remettre au sport, réapprivoiser ce corps qu'elle ne reconnait plus.

Quand une étincelle survient dans sa vie morose, c'est à Bernadette de choisir la direction qu'elle doit prendre.

Affronter ses doutes.

L'année de la chèvre raconte les hésitations d'une femme lasse de son quotidien, mais aussi les sentiments qui traversent les personnages qui gravitent autour d'elle. Des femmes surtout. La mère de Bernadette, sa soeur, sa fille. Toutes sont à des moments complexes de leur vie, où elles ont bien du mal à faire les bons choix, à comprendre même ce qu'elles veulent vraiment. C'est une chronique de vie toute simple, pleine des petits détails qui composent la vraie vie. Les engueulades, les rencontres, les doutes que l'on cache et les joies que l'on partage. Les dialogues sonnent justes sans tout nous dire. Les vérités résident souvent dans les silences. Cette justesse est à la fois la force et le petit bémol du récit : la vraie vie n'est pas constamment passionnante et explosive, il faut accepter de se laisser porter par une narration assez lente, où les choses changent tout doucement.

Cette bande dessinée est ancrée dans la réalité. S'y ajoutent des moments de poésie qui racontent les émotions de Bernadette. Comme Frank qui se retrouvait obsédé malgré lui par la remarque d'une amie lui affirmant que puisqu'il était dragon, c'était son année, Bernadette s'imagine en chèvre. Entre les scènes du récit principal, des saynètes métaphoriques nous montrent les directions que l'héroïne emprunte aux moments cruciaux du récit. 

La colorisation appuie les ambiances avec des cases monochromes ou en bichromis selon les moments. Le contraste entre la teinte choisie pour les éléments au premier plan et celle du fond est parfois appuyé et donne une certaine froideur aux planches. Mais dans l'ensemble il flotte sur L'année de la chèvre une atmosphère douce-amère très réussie. Il est particulièrement intéressant de voir, en lisant les deux volumes, le jeu de ping-pong entre les deux auteurs. On sent leur complicité dans cet exercice d'écriture où les frontières entre les rôles de l'un et de l'autre se font floues. En scénarisant chacun un tome et en dessinant chacun certaines parties du récit de l'un et de l'autre, le duo nous offre un diptyque avec une belle harmonie, mais où chaque volume a son identité et peut se lire indépendamment.

L'année de la chèvre est un récit juste et touchant, mais aussi un jeu d'écriture entre deux auteurs talentueux et complices. Un joli moment de lecture.

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