Illustration de l'article
Critiques
par Arno Kikoo - le 27/08/2024
Partager :
par Arno Kikoo - le 27/08/2024

On va tous crever – oui, mais avec une bonne BD

La mort est inéluctable. C’est même le seul véritable point commun à toutes les personnes vivant sur cette planète : l’assurance de finir sur la même lugubre ligne d’arrivée.

On va tous crever, au-delà du constat lucide de cette affirmation, c’est aussi la première bande dessinée particulièrement réussie de Tobias Aeschbacher, sortie plus tôt dans l’année chez Helvetiq, une maison d’édition suisse (vous l’aviez deviné) qui développe son offre en bande dessinée. Si vous appréciez l’humour noir, les dialogues absurdes, et les histoires nihilistes, alors laissez-vous embarquer par cette proposition.

Trois truands se préparent à régler leurs comptes autour d’une histoire de vol dans un immeuble à l’apparence sinistre. Dans la voiture, chacun revoit les préparatifs, et tout le monde semble déterminé. Avant que l’un des malfrats ne donne un surnom à son arme. Ce qui n’a évidemment aucun sens, et entraîne une première dispute. Un peu plus tard, quand les hommes arrivent armés jusqu’aux dents dans un appartement, pour récupérer ce qui leur est dû chez un couple de voleurs de pacotille, les échanges deviennent très vite houleux, (délicieusement) absurdes, avant que les flingues ne prennent l’avantage sur les mots. On ne vous dévoile rien de l’intrigue, mais sachez que le titre de la bande dessinée se veut, pour le coup, on ne peut plus explicite.

Bang ! Bang ! T’es mort !

Au fil de ses différents chapitres, On va tous crever nous fait découvrir les autres habitants de cet immeuble, tous plus bizarres et pathétiques – mais parfois touchants – les uns que les autres. L’enchaînement des séquences se fait de façon habile, avec une forme de retour en arrière qui permet de voir ce que faisait l’un ou l’autre pendant les évènements racontés. De fait, le lectorat se prend rapidement au jeu (de massacre) tant par l’atmosphère du récit, qui flirte entre la violence sèche des premiers Tarantino (qui est beaucoup cité, tant par l’éditeur que d’autres médias) mais surtout l’absurdité ainsi que les personnages paumés sortis tout droit d’un New Kids Turbo de Steffen Haars et Flip van der Kuil. Un cocktail aussi détonnant que réjouissant.

©Tobias Aeschbacher, Helvetiq

Au déchainement de violence, il ne faut pas croire qu’On va tous crever en oublie de raconter quelque chose. Si l’auteur semble surtout s’amuser à dépeindre des scènes absurdes et à les relier ensemble dans un grand défouloir cathartique, plusieurs des personnages ont quelque chose à dire. Notamment sur la place de la mort dans le parcours de chacun, en témoigne l’un des chapitres de l’album les plus à part, qui met en scène un couple de vieilles personnes pour qui la mort a plus l’air d’une délivrance que d’une fatalité. On retrouve aussi un potentiel discours sur les chats qui seraient des bêtes diaboliques, ce que tout un chacun devrait approuver.

Au-delà du propos, Aeschbacher se montre convaincant sur le plan graphique. L’artiste sera clairement à classer dans un registre « indé » avec une approche assez simple du trait et une allure loin du photo-réalisme, qui évoquerait plutôt un Manu Larcenet période Retour à la Terre, voire du Trondheim façon Lapinot. C’est-à-dire qu’une fois passé l’aspect abrupt des débuts, il est aisé d’apprécier le rythme qui se veut efficace sans chercher à vouloir se montrer renversant. Comme mentionné auparavant, tout le ressort de la mécanique scénaristique tient dans ce qui n’est pas montré lors d’un chapitre, pour aller le découvrir ensuite – car le lecteur se retrouve ici impuissant face à sa propre curiosité.

L’album de Tobias Aeschbacher permet à Helvetiq d’inaugurer sa collection Ebullition et pour un premier essai, force est de constater qu’il est convaincant. On va tous crever est une bande dessinée qui fait rire, qui parvient à interroger son lecteur, tout en réussissant son objectif assumé de divertissement un poil bas du front – alors qu’en fait pas tant que ça. Ne reste donc qu’à découvrir ce que l’éditeur proposera plus tard dans cette collection, mais les lecteurs curieux devraient y prêter un oeil attentif dans tous les cas.

On va tous crever de Tobias Aeschbacher, Helvetiq, coll.Ebullition


Toutes images sont ©Tobias Aeschbacher, Helvetiq

©Tobias Aeschbacher, Helvetiq
©Tobias Aeschbacher, Helvetiq
©Tobias Aeschbacher, Helvetiq
Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail