Jean Van Hamme & Grzegorz Rosiński vont mêler inspirations historiques, veine fantastique, mais aussi science-fiction dans une série centrée sur la quête de soi. Héros aimé puis maudit des dieux, Thorgal concentre toute son énergie à fonder puis protéger sa famille dans un univers féerique. Un angle assez étonnant dans la vague fantastique des années 1970, qui sort la série du lot et lui permet de traverser les décennies sans paraître démodée.
Version mélancolique d’Ulysse, les dieux s’amuseront à le balader de lieu en lieu, loin d’Aaricia plus énergique que Pénélope, et lui donnant une Circé en la personne de Kriss. Les comparaisons sont nombreuses pour ce Viking adopté, fils des étoiles, qui va vivre mille aventures en espérant rentrer. Les personnages vieillissent, des enfants naissent et grandissent et le héros mûrit. Il y a un rapport au temps très fort dans cette saga nordique qui respecte un code particulier de la mythologie scandinave : raconter une vie de héros, de la naissance à sa mort, en passant par sa filiation et ses rencontres.
Reconnaissables à leurs couvertures peintes, ces albums très graphiques se détachent sur les tables des librairies. À l’intérieur on trouve des planches au style réaliste, à l’encrage travaillé et aux jeux clair-obscurs réussis. Un dessin réaliste qui sait passer du côté de l’abstrait, ou l’auteur se renouvelle pour représenter graphiquement ce qui est hors du monde, de même que le travail sur le mouvement ou sur les matières fait l’objet d’une grande attention. Grzegorz Rosiński ne cessera de changer de techniques, du très pictural et théâtral La Vengeance du comte Skarbek à son dernier Thorgal tout en couleur directe ; en passant par Western où le dessinateur avait expérimenté les lavis, les peintures en double page et modifié sa manière de dessiner.
Le duo s’est essayé à plusieurs one-shot réussis en plus de leur série, Western donc, mais surtout le Grand Pouvoir du Chninkel et son conte des origines, noir et philosophique. Des variations qui n’auraient pas leur place dans Thorgal mais avec lesquelles on ne peut s’empêcher de trouver un air de famille, comme si ces titres auraient pu être la série Thorgal en version western ou fantasy. En 2006, Jean Van Hamme passe la main à Yves Sente sur la série, qui en profite pour lancer plusieurs séries dérivées, regroupées sous le titre Les Mondes de Thorgal. Et en 2018, Grzegorz Rosiński arrête à son tour, laissant Fred Vignaux dessiner la prochaine aventure sur un scénario de Yann.
Illustration Principale : © Le Lombard