Illustration de l'article
Critiques
Archive 9ᵉArt
par Republ33k - le 7/06/2016
Partager :
par Republ33k - le 7/06/2016

Batman - Tome 8, la critique

Alors que son passage sur Batman s'est achevé il y a quelques semaines aux Etats-Unis, c'est le début de la fin pour Scott Snyder en France, puisque Urban Comics vient de publier la première partie de son dernier arc sur le chevalier noir. Et derrière les multiples irrévérences de celui-ci se cachent un récit fort, doublé d'une réflexion poignante.

Car si Scott Snyder est resté aussi longtemps en place sur Batman, c'est bien parce qu'il passionne. Il passionne parce qu'il ose toucher voire réinterpréter la mythologie du chevalier noir,  c'est certain. Mais il passionne aussi grâce à un discours méta qui s'est fait toujours plus fort, au fil des numéros et des arcs. Ainsi, après un Endgame en forme de blockbuster dédié à son amour du Joker, l'auteur nous livre ce qui est sans doute son arc le plus personnel, et en tous, le plus politique.

On le sent dès le premier chapitre de cet album, qui s'ouvre sur le numéro #44 de son run, se détoulant avant la disparition de Bruce Wayne lors de son combat ultime avec le Joker. Et on y retrouve un Batman très classique, dessiné par l'immense Jock. Ensemble, les deux artistes nous livrent une narration parfois mal huilée, mais en tous cas fascinante, puisque le dessinateur mélange ici les coupures de presse de Gotham à ses plus beaux immeubles, dans des planches abstraites qui ne font que sublimer le message de Snyder, qui dénonce, tour à tour, les violences policières, la crise des subprimes et tous les fléaux américains modernes.

Les plus sceptiques des lecteurs verront sans doute dans ce numéro un rachat de conduite de la part de l'auteur, qui a souvent donné dans les cliffhangers gratuits et les irrévérences pour soutenir son titre. Au contraire, ce premier chapitre est un acte de foi pour le scénariste, qui le temps de ce numéro entre parenthèses, nous annonce un arc très politique, même si - comme toujours chez le scénariste - il faudra le trouver sous une certaine couche de foulie.

Accrochez-vous, d'ailleurs, puisque le nouveau Batman de Scott Snyder n'est autre qu'un commissaire Gordon âgé de 46 ans, qui reprend la muscu' et quitte la clope pour devenir le pilote d'une exo-armure en forme de chevalier noir, co-financée par la ville de Gotham et les industries Powers, qui ont décidé de privatiser la figure du mythique super-héros. Un pitch hautement politique, qui va permettre à l'auteur de surfer sur les problématiques d'un Robocop ou d'un Chappie, pour ne citer qu'eux.

Sécuritarisme, privatisation des forces de l'ordre, terreur urbaine, tout y passe, dans un récit qui est étonnament bien ficelé, par rapport aux arcs précédents, où l'auteur donne parfois l'impression de tourner à vide. Il faut dire que Snyder s'identifie sans doute plus volontiers à Jim Gordon qu'à Bruce Wayne, et cela se ressent dans son écriture, beaucoup plus personnelle et chaleureuse qu'à l'accoutumée. Faire de Gordon un Batman, c'est aussi l'occasion, pour Snyder, de livrer un texte des plus métas sur l'industrie des comics, l'autre aspect politique de cet ouvrage.

Snyder, qui se bataille justement le poste de scénariste le mieux placé de l'industrie avec Brian Michael Bendis, attaque en effet le milieu qui a fait de lui une star, avec toujours moins d'euphémismes. Rendue plus courte par la transition de Wayne à Gordon, la distance entre l'auteur, son personnage et ses lecteurs nous offre un festival de punchlines métas et autres messages cryptiques, qui passeront sans doute au-dessus de la tête des lecteurs les plus jeunes, mais qu'il est savoureux de décortiquer.

Côté dessins, Snyder reste avant tout accompagné de son fidèle Greg Capullo, qui offre un design assez réussi à notre nouveau Batman. Le challenge créatif derrière cette historie relance d'ailleurs le dessinateur, qui lui aussi commençait à tourner en rond dans ses planches dédiées au chevalier noir. Il a encore, hélas, trop souvent recours au aplats de couleurs de FCO pour camoufler ses deadlines. Mais l'ensemble reste plaisant, voire impressionnant dans les séquences d'action.

Divertissant et riche en réflexions, ce huitième tome de Batman inaugure l'arc le plus personnel et le plus politique de Scott Snyder sur le personnage. Comme toujours, il convient d'interpréter les folies de l'auteur pour pleinement les apprécier, mais les concepts développés et sa maîtrise de l'écriture - ici plus intime - font le reste.

Actualités
Voir tout
Commentaires
Vous devez vous connecter pour poster un commentaire
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail