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par Alfro - le 16/04/2015
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par Alfro - le 16/04/2015

Drifter - Tome 1, la critique

Album qui fait partie de la "seconde genèse" de Glénat Comics, le déroutant Drifter est celui qui a peut-être l'équipe créative la moins connue. Pas de Matt Fraction auréolé de sa carrière prolifique pour Marvel ou de Greg Rucka dont les polars lui ont apporté une grande renommée, pourtant, à y regarder de plus près nous avons ici des créateurs parmi les plus prometteurs de la jeune génération.

"Et ce destin arrive au pas de course."

Le projet de Drifter est assez simple, faire un western dans un univers de science-fiction. Ivan Brandon est un scénariste qui aime le mélange des genres et qui surtout aime dérouter son lecteur. Ainsi, ce western SF n'a pas grand chose à voir avec Firefly, ici on parle plutô de western âpre et aride. Qui emprunte autant à Sam Peckinpah qu'aux long-métrages vengeurs de Clint Eastwood, un monde peuplé d'hommes et de femmes burinés par des soleils brûlants où la loi du plus fort n'est pas un choix mais un état de fait. Notre héros, Abram Pollux (nom de space opera jodorowskien, une référence qui traversera toute l'œuvre), s'échoue sur une planète désolée, un désert perdu au beau milieu de nulle part où vivent ceux qui ont été oubliés de tous.

Il sera forcément désorienté, et nous avec. Brandon refuse de prendre le lecteur par la main, et il ne va jamais sacrifier son récit pour faire un tant soit peu d'exposition. Chaque personnage vit ici son existence sans s'intéresser à des lecteurs qui débarquent un instant dans leur vie si complexe. Tout comme Pollux, nous sommes perdus dans ce monde et il lui faudra l'aide de Lee, la shérif/médecin du seul village aux alentours, pour commencer à comprendre où il a échoué. Balloté par un destin qui semble se foutre royalement de lui, le protagoniste découvre un monde aussi riche qu'impitoyable, le scénariste prenant un malin plaisir à proposer des trouvailles aussi bien en narration que pour dans un imaginaire déroutant. Créature de foudre, harpons énergétiques ou extraterrestres cryptiques, l'univers ici déployé est aussi riche que bien pensé, toujours en subtilité (on pense à ce verre brisé qui flotte dans l'air pour que ce soit plus facile à nettoyer).

"Et malgré tout, je sors mon flingue."

Si Ivan Brandon s'amuse avec ses références, qui vont de Dune aux revenge movies, il a un message, une philosophie, très personnels. Il fait se croiser ces personnages brisés, tous porteurs d'un passé qu'on imagine chargé. Tout en réglant ses comptes avec la religion, ici incarnée par le pasteur psychopathe Arkady, il développe un récit volontairement complexe pour démontrer que le monde est fait d'existences qui se croisent, de rendez-vous ratés et d'imprévus tragiques. Un monde organique que l'on ne parvient jamais à embrasser d'un seul regard, un théâtre terrible et inhospitalier dont Abram Pollux devra comprendre les tenants et les aboutissants s'il ne veut pas finir sous terre de façon prématurée.

Si l'histoire de Brandon est aussi riche, c'est qu'il peut s'appuyer sur le talent indéniable de Nic Klein. Ce dessinateur allemand qui travaille régulièrement avec Marko Djurdjevic se lâche complétement ici et livre sans doute ce qu'il a fait de mieux. S'inspirant aussi bien de Moebius (on croise même une tombe au nom de Jean Giraud en forme d'ultime hommage) que des dernières techniques des concept-artistes, il livre des planches d'une véritable intelligence séquentielle avec un dessin d'une grande puissance évocatrice. Multipliant les bonnes idées, tant sur le plan de la SF que de la caractérisation de personnage, Klein arrive à faire quelque chose que l'on ne voit plus beaucoup dans ce genre : il innove !

Drifter est la confirmation de tout le bien que l'on pensait de deux artistes amenés à devenir des grands du milieu. Un western au confint de la galaxie extrêmement exigeant au niveau de la lecture, pour mieux pouvoir déployer un récit intelligent et surprenant, servi par la très belle édition de Glénat. Au fin fond de l'Espace, personne ne vous entendra vous lamenter !

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