Depuis quelques années déjà, on peut croiser un certain Brian Michael Bendis, l'un des scénaristes les plus prolifiques de l'industrie des comics moderne, à la tête des plus grandes séries de l'écurie Marvel. Et non content d'écrire les aventures des X-Men et des Gardiens de la Galaxie (entre autres), il s'est également occupé d'un crossover les regroupant, dorénavant disponible dans la collection Marvel Now de Panini Comics.
Et ce sera peut-être une surprise pour certains lecteurs, mais ces deux équipes se réunissent suite au retour de Jean Grey dans la branche principale de l'univers Marvel. Un retour d'entre les dimensions qui n'est pas sans susciter des méfiances, la jeune Jean ayant rasé un système planétaire entier sous l'emprise du Phénix, l'entité surpuissante avec qui elle cohabite.
N'étant ni fan des Gardiens ni des X-Men, je dois avouer que la promesse d'une réunion des deux équipes est plutôt alléchante. Et en l'occurrence, elle pourra compter sur les talents d'un Brian Michael Bendis au sommet de sa forme. Du moins, selon ses standards actuels. Produisant des séries à la pelle, le scénariste enchaîne les scénarios à une vitesse industrielle. Tous plus calibrés les uns que les autres, ils ne manquent pas de réjouissances et de talent pour autant.
On le remarque assez bien dans ce Procès de Jean Grey qui s'offre de longues séquences de dialogues, parfaitement ciselées et bourrées d'humour. Un plaisir à la lecture, surtout quand les composition signées Sara Pichelli ou encore Stuart Immonen suivent, même si les discussions peuvent parraître très superficielles. C'est bien tout le problème avec ce Bendis édition 2015 : tout va très vite, et nous n'avons que rarement l'impression d'aborder l'essence des sujets et problématiques présentées.
Cette compression permanente de l'intrigue conduit l'auteur à minimiser ses ajouts à la mythologie mutante et cosmique de Marvel, tandis qu'il euphémise, sans doute malgré lui, les différents rebondissements, à peine assez développés pour avoir un vrai impact sur le lecteur. C'est d'ailleurs à ce dernier de travailler : Bendis nous laisse les outils pour le juger, avec une méta-lecture à prendre ou à laisser (le retour de Jean Grey qu'il qualifie, par l'intermédiaire de ses personnages, de pure nostalgie, par exemple) et des passages plutôt lourds, dont des conseils galactiques qui n'ont rien à envier à ceux de George Lucas. A vous de choisir s'ils vous intéressent ou non, tant leur influence sur le récit est nulle.
Mais comme toujours (ou presque) Bendis et très bien accompagné. Ici par un partenaire de longue date, l'italienne Sara Pichelli, visiblement ravie de dessiner les Gardiens ET les X-Men. Très à l'aise, la dessinatrice nous offre des compositions hyper-dynamiques et des designs assez inpirés. Mieux, l'unité de son trait permet aux deux unviers (celui des mutants et le cosmique) de se mélanger sans heurts. Un vrai bonheur pour les yeux, qui est prolongé par d'autres artistes eux aussi talentueux, à commencer par Stuart Immonen dont le style s'entend parfaitement avec celui de Pichelli. Du côté graphique, l'album est donc une petite réussite, même si les changements de dessinateur (on retrouvera également du David Marquez) peuvent paraître abrupts.
En somme, ce Procès de Jean Grey se lit vite et bien. Il peut compter sur assez de fond pour vous laisser un bon souvenir, mais pourrait-être bien plus intéressant si Brian Michael Bendis n'était pas en pilote automatique. Les dessins de Pichelli et son entente avec Immonen font le reste, et l'historie finit par fonctionner, même si vous ne suivez pas les deux séries concernées, ce qui est une qualité non négligeable !