
Noboru Okamoto, connu sous le nom de plume Sanpei Shirato, est décédé d’une pneumonie à l’âge de 89 ans le 8 octobre 2021. Fils aîné du peintre prolétarien Tōki Okamoto, il a étudié la peinture à l’huile et a commencé à travailler comme dessinateur de kamishibai (théâtre d’illustrations servant de support visuel aux conteurs ambulants) et pour le théâtre de marionnettes à doigt avant de se lancer dans l’écriture de mangas destinés aux librairies de prêt en 1957.
Prolifique et talentueux, il rencontre son premier succès dès 1959 avec sa série Ninja bugeichō. En 1963, il est couronné du 4e Prix Kōdansha pour Seton dōbutsuki et Sasuke juste avant d’entamer en 1964 la publication de l’œuvre qui marqua le plus profondément sa carrière et ses lecteurs : Kamui-den.
Le chef d’oeuvre, Kamui-den


Pour lui donner l’écrin qu’elle méritait, son éditeur, Katsuichi Nagai, a même fondé Garo, mythique et ambitieuse revue d’avant-garde qui devint rapidement le terreau fertile d’une nouvelle génération d’auteurs et la pierre angulaire de l’essor du manga alternatif.
Se développant sur près de 6 000 pages, cette fresque imposante qu’est Kamui-den resta l’une des œuvres les plus marquantes de la revue et fit de l’auteur l’une des figures majeures du gekiga. Sous couvert d’une description de la société de caste à l’époque d’Edo (1603–1868), Sanpei Shirato signe un récit mêlant peuple, ninjas et animaux. Anticapitaliste baigné dans la lutte prolétaire, le mangaka livre en vérité un titre sociétal, engagé et politique dans lequel la lutte des classes d’alors résonne avec les mouvements contestataires des années 1960.
En France, nous avons eu le droit à la publication de son œuvre-fleuve Kamui-den aux débuts des années 2010, mais le titre est à présent indisponible, l’auteur ayant refusé l’exploitation de cette édition plus de 4 ans, de peur de laisser à sa famille le fardeau d’une éventuelle gestion de droit posthume. Il est donc à l’heure actuelle difficile de parcourir les pages de ce titre majeur, si ce n’est en l’acquérant au prix fort ou en l’empruntant dans les quelques bibliothèques l’ayant en stock.

Illustration principale : © Sanpei Shirato