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Édito
par Léa Montadour - le 27/06/2024
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par Léa Montadour - le 27/06/2024

« Je dirai que tout ce qui peut interloquer et déranger a sa place chez Happy Misfits. » Interview de Steeve Aubert et Neal Pouyer pour Liminalis 

À quelques jours de la fin de la campagne Kickstarter pour Liminalis, nous avons pu poser des questions à son auteur Neal Pouyer et à Steeve Aubert le fondateur de Happy Misfits Publishing.

Dans Liminalis, le nouveau projet lancé par Happy Misfits Publishing, son auteur Neal Pouyer s’aventure sur les terres de l’interprétation des rêves. Dans un style graphique très sombre aux inspirations comme Blame!, ICO, Silent Hill ou encore Evangelion, il nous emmène dans une aventure de 200 pages dans laquelle nous suivons les dérives oniriques d’un petit garçon. Sur des planches surréalistes aux inspirations multiples, Neal bâtit cette œuvre comme une énigme où l’on perd pied jusqu’à ne plus discerner le réel de l’imaginaire…

Nous avons pu nous les rencontrer pour qu’ils nous en disent plus sur les aspirations derrière la création de cette nouvelle maison d’édition et derrière ce nouveau projet.

Steeve, quel a été ton parcours avant de créer Happy Misfits Publishing ?

Steeve Aubert & Neal Pouyer

Steeve Aubert : J’ai fait beaucoup de choses très variées. J’ai commencé par faire des études de japonais, puis de journalisme. J’ai été journaliste, j’ai fait de la télé —du reportage principalement— j’ai travaillé dans la presse pour enfants : je rédigeais des articles pour les gosses. Puis, j’ai été rédacteur pour ComicsBlog

C’est cette expérience chez ComicsBlog qui m’a permis de rencontrer beaucoup d’auteurices dont j’aimais le travail et j’ai réalisé que j’avais pas envie de documenter ce qu’ils faisaient, mais de faire ce qu’ils faisaient !

J’ai arrêté le journalisme, j’ai commencé à travailler chez Starbucks pour payer mes factures et en parallèle, j’ai lancé mon premier webcomic en ligne avec le dessinateur Daniel Jacob. Cette expérience a duré 6 mois. Ça a été 6 mois très cool, puis on a décidé de prendre des chemins différents. J’avais 27 ans, j’avais touché le SMIC toute ma vie, j’en ai eu marre alors je me suis reconverti. Je suis devenu développeur pendant 7 ans et il y a 1 an et demi, une grand-mère que je connaissais pas plus que ça est décédée et j’ai touché une partie de son héritage. 

Je me suis posé la question de quoi faire de cet argent. Ça faisait longtemps que je pensais essayer quelque chose de différent dans l’édition alors j’ai pris une grosse partie de cette somme et j’ai créé Happy Misfits Publishing. 

En devenant éditeur indépendant, quels étaient les objectifs, les objectifs que tu voulais insuffler dans Happy Misfits Publishing ? 

S.A. : Happy Misfits Publishing, c’est deux objectifs : mettre en avant des auteurices peu connu.es et qui ont quelque chose à dire, tout en repensant la rémunération de ces mêmes auteurices. 

En France, c’est 8% du prix du livre qui est reversé aux auteurices, mon but c’est de le faire passer à 30%. Pour pouvoir remplir ces deux objectifs, je m’efforce constamment de repenser le modèle mis en place et pour le faire, il est nécessaire de s’abstraire de certains maillons de la chaîne du livre. 

©  Neal Pouyer / Happy Misfits Publishing

Et pourquoi ce nom Happy Misfits Publishing ? 

S.A. : Happy Misfits Publishing c’est principalement de la distribution en ligne puisque notre modèle ne passe pas par des distributeurs ou des libraires. Le fait de faire de la distribution en ligne d’œuvres en anglais et en français permet de toucher davantage de monde. J’ai fait le choix du nom de la boîte en gardant cette logique en tête.

Happy Misfits, en français « Les marginaux heureux » ça renvoie à des personnes qui font les choses différemment par choix et qui sont heureux de ces choix, même si ça représente des défis. 

C’est un peu ça la philosophie derrière le choix de ce nom. Et la plupart des artistes avec qui je travaille s’identifient plutôt bien à cette philosophie ! 

Comment vous êtes vous rencontrés avec Neal ? 

S.A. : Il y a un an et demi, je passais en interview dans le podcast C’est toi la Radio et après sa diffusion des gens se sont abonnés à la page de Happy Misfits Publishing, dont Neal. À cette époque, je regardais systématiquement les profils des personnes qui suivaient la page et je suis tombé sur le profil de Neal. J’ai découvert son style très dark, très détaillé et ça m’a beaucoup parlé. 

Je n’avais pas de projet qui pouvait se prêter à son style, alors j’ai inscrit son prénom dans le fichier que j’avais créé pour placer les noms des auteurices avec qui j’aimerais, un jour, collaborer. 

© Jean-François Dubois / Paul Carlier / Neal Pouyer / Happy Misfits Publishing

6 mois plus tard, j’ai reçu une idée de projet pour une histoire courte d’une vingtaine de pages qui nécessitait le travail de deux dessinateurs. L’une des parties correspondait bien à son style, donc je l’ai contacté ! C’est une histoire qui s’appelle Par delà les étoiles, elle est gratuite et disponible sur Substack, la plateforme sur laquelle on gère notre Newsletter. La collaboration s’est super bien passée et un jour, dans le Discord sur lequel on échange avec tous les auteurices de Happy Misfits, il a parlé de Liminalis. Ça m’a intrigué et je l’ai contacté en privé pour lui dire que ça m’intéressait. 

On a tous les deux été très clair au sujet de nos intentions : Neal souhaitait dans l’idéal que ce soit un gros éditeur qui publie ce projet et moi je lui ai proposé de l’accompagner malgré tout. J’ai pu voir différentes versions de Liminalis durant l’année 2023 et une chose en entraînant une autre, on a fini par collaborer ensemble. 

Et toi Neal, quel est ton parcours ? Comment es-tu arrivé dans Happy Misfits ? 

Neal Pouyer : Je suis un pur scientifique, je sors d’un master de conception de systèmes mécaniques donc je peux dire que j’ai fait ça toute ma vie. Le dessin, l’art séquentiel en général, ça a toujours été une passion que je mettais de côté, jusqu’à ce que je fasse plusieurs rencontres qui m’ont permis d’entrevoir la possibilité de faire plus et de voir le dessin sous un plus grand angle. 

D’année en année, j’aimais de moins en moins ce que je faisais et l’idée d’être ingénieur ne m’attirait pas plus que ça, parce que c’est raconter des histoires et dessiner qui me faisait le plus vibrer ! 

© Neal Pouyer / Happy Misfits Publishing

À mon entrée en master 2, j’ai senti qu’il fallait que j’essaye de lancer un projet. J’ai alors ressorti Liminalis de sous les fagots. C’est un projet pour lequel j’avais réalisé le premier draft du script 2 ans auparavant et que j’ai pu pousser au cours de l’année. J’avais déjà dessiné des bribes de boards donc j’avais déjà pu recevoir quelques échos sur mon style. C’était un one shot de 80 pages à l’origine, mais comme je ne suis pas bon pour évaluer le scope de mes histoires, ces 80 pages sont devenues 120 pages, pour finir sur un roman relié de 200 pages. 

En janvier, au moment du Festival d’Angoulême, j’ai décidé de m’y rendre avec une bande de potes, mon dossier d’édition à la main et la volonté de démarcher des éditeurs ! Résultat : c’est joli mais trop décalé, il n’y a pas assez d’action… En résumé, personne ne veut de Liminalis parce que « ça ne rentre pas dans la ligne éditoriale » de la majorité des éditeurs avec qui j’ai pu échanger. Après cet échec, je me suis retrouvé à faire un debrief à Steeve qui a décide de me tendre la main. Et là c’était parti ! C’est un projet qui me tient sincèrement à cœur, donc le ranger au placard pour débuter une nouvelle histoire m’aurait un peu attristé. J’ai vraiment donné tout ce que j’avais dans Liminalis donc j’espère que les lecteurices seront réceptifs et pourront recevoir tout ça. 

Et actuellement, je fais mon stage de fin d’étude en tant qu’ingénieur dans le démantèlement de centrale nucléaire. Est ce que c’est compatible avec ce qu’on fait maintenant ? La réponse est non, mais on s’accroche. C’est pas ce qui me plait le plus dans la vie, mais j’espère qu’un jour je pourrais faire autre chose. 

À quoi les lecteurices doivent-ils s’attendre quand Liminalis sera paru ? 

N.P. : Liminalis est construit comme un mystère grandissant dans lequel on perd un peu pied puisqu’on va évoluer entre la réalité et le monde du rêve. C’est un long voyage durant lequel on s’interroge sur ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. 

Le cœur de Liminalis, c’est l’interprétation. Je me suis beaucoup basé sur ma lecture des travaux de Carl Gustav Jung, un ancien élève de Freud, qui partait du postulat que nos rêves étaient le reflet de notre inconscient, de nos maux et de nos pathologies mentales. En partant de ça, je me suis inventé chaque rêve comme étant un reflet de l’état du personnage principal. 

© Neal Pouyer / Happy Misfits Publishing

En tant que lecteurice, on se retrouve dans le rôle du thérapeute à aller interpréter les petites histoires enchevêtrées dans la grande histoire. Je vois ça comme une sorte de sous lecture d’enquêteur dans une narration qui nous brouille et nous perd un petit peu. 

Avec quels outils tu travailles ? 

N.P. : Je suis un auteur purement numérique donc je travaille sur tablette fixe sur PC. Et je travaille aussi sur un IPad Pro avec ClipStudio comme beaucoup d’auteurices. Ça me permet de travailler de partout et comme je travaille à plein temps, je saisis la moindre occasion pour dessiner. 

C’est un projet de tous les instants pour lequel les pages avancent toujours et ça que ce soit dans le bus ou pendant les pauses !

Liminalis est un album très sombre qui aborde des thématiques complexes, est ce que tu fais le choix du Noir & Blanc en fonction de ces thématiques ou c’est un attrait plus personnel ?

N.P. : Le noir & blanc se retrouve dans l’ensemble de mon travail, je n’ai quasiment jamais fait de BD en couleur. Je suis très marqué par le Japon et les mangas en général qui représentent la majorité de mes lectures.

Par mimétisme, j’ai imité ces codes avec ces trames, son noir et blanc et son découpage très aéré. Les auteurs comme Tsutomu Nihei ou Gō Tanabe sont des influences que j’ai en tant qu’auteur et qui ont aussi participé à mon envie de pousser cette piste du noir & blanc et du contraste.

Mon travail tend vers les hyper contrastes de grands aplats de noir parce que c’est ce qui, visuellement, me plait le plus à explorer et donc j’essaye de le pousser à fond. 

Liminalis contient beaucoup de références à divers tableaux (Dalí, Bocklin…), est ce que tu t’intéresses à une esthétique particulière en choisissant des artistes qui sont tous torturés ? 

© Neal Pouyer / Happy Misfits Publishing

N.P. : C’est vrai que ce sont des artistes qui ont tous des problèmes. J’ai un attrait pour ça, je le reconnais ! 

J’apprécie les esthétiques plus dures et surréalistes,  c’est ce qui forge beaucoup des visions de Liminalis. Je ne me refuse pas à aller explorer ailleurs, mais c’est vrai que mon corpus d’influence est composé d’artistes qui sont tous un peu torturés. 

Mais je ne pense pas avoir une esthétique particulière dans mon travail qui puisse être un vecteur directeur. Je suis un grand amateur d’art et je consomme un peu de tout. Je suis un très grand fan de Jérôme Bosch, de Beksiński et de Bocklin qui incarne le projet dans son âme la plus entière. Je ne me limite à rien dans mes inspirations. Tant qu’une œuvre d’art appelle à la contemplation, qu’elle m’emmène et me fait ressentir des choses, elle me parle. 

Je recherche l’émotion, le ressenti, parce que c’est ce que j’ai envie de transmettre dans mes propres travaux. Je veux emmener les lecteurices quelque part pour qu’ils soient enivrés de nouvelles visions. 

Steeve, comment décrirais tu la ligne éditoriale de Happy Misfits Publishing ? 

S.A. : J’ai eu du mal à fixer une ligne éditoriale parce que je suis très ouvert, mais la plupart des projets que je porte passent par une sensibilité particulière. Je recherche des œuvres qui sortent de l’ordinaire et qui peuvent transmettre un message de façon un peu dérangeante. 

Je peux travailler sur des projets qui ont des formats très différents. Que ce soit dans le manga avec Liminalis ou dans le dessin de presse qui explore moins un graphisme sombre,  il y a toujours un aspect provoquant. 

Le fait de ne me fermer à aucune affluence rend plus difficile d’établir une ligne éditoriale parce que je pourrai sortir des trucs dans des formats plus classiques comme du franco belge ou du comics, mais les choses commencent de plus en plus à se préciser et c’est ce qui ressort de tous les projets que j’ai sélectionné jusqu’ici. 

@ Neal Pouyer / Happy Misfits Publishing

Je dirai que tout ce qui peut interloquer et déranger a sa place chez Happy Misfits.

Liminalis est-il le titre qui représente le plus le catalogue de la maison ? 

S.A. : C’est un très beau condensé de ce je cherche à produire. Tant en termes de message que d’approche de la narration. Si la campagne pour Liminalis prend l’ampleur qu’on espère, il deviendra le bouquin qui représentera ce qu’on fait et il nous permettra d’introduire la suite. 

On a également beaucoup travaillé à développer un aspect « bel objet », on compte sortir une édition vraiment quali. Une fois que l’album existera et sera entre les mains des lecteurices, il sera une bonne représentation de ce qu’on peut attendre du catalogue. 

En parlant de la campagne, tu fais le choix de passer par Kickstarter, une plateforme américaine. Pourquoi ce choix quand des plateformes comme Ulule existent en France ? 

S.A. : Je me suis dit que quitte à s’abstraire du réseau de distribution et de devenir mon propre distributeur, ce serait bête de se fermer aux frontières de la langue française et de la francophonie. 

C’est pour ça que tout ce que je sors est disponible en français et en anglais. Je me débrouille pas trop mal en anglais donc je fais la traduction de tous les ouvrages sur lesquels je travaille.

Kickstarter est une plateforme qui a beaucoup plus de rayonnement à l’international que Ulule et elle peut être une bonne porte d’entrée pour un début de lectorat international. Le fait de publier nos ouvrages en anglais et en français ainsi que le choix du nom de la maison rejoint aussi cette volonté là.

Quel sera ton rythme de publication dans les prochaines années ? Tu ne feras que de la création originale ou tu penses faire de l’achat de droits ?

S.A. : Tout va dépendre de la façon dont les choses vont avancer. J’ai pas vocation d’inonder le marché, donc au max je voudrais être à 1 publication par trimestre soit 4 publications par an.  Si on est toujours dans les parages dans les prochaines années, on peut s’attendre à 3-4 publications par an. 

@ Neal Pouyer / Happy Misfits Publishing

Pour ce qui est de l’achat de droits, je veux vraiment pousser la création originale parce que c’est ça l’ADN de la boîte. Donc si tout se passe bien, si on continue à exister ce sera de la création originale. Si je devais partir sur de l’adaptation ce serait pas avant 2026, mais si d’ici là je tombe sur un projet qui attendait quelque part et dont personne ne veut, on est pas l’abri qu’on essaye. 

À moyen terme, c’est la création personnelle qui m’intéresse, mais on est pas à l’abri qu’une adaptation arrive…

Comment travaillez-vous ensemble ? 

N.P. : Je suis un auteur qui n’est pas du tout du genre à travailler dans son coin, je recherche le retour et j’aime communautariser mon travail. Je fais souvent relire mon board à Steve et à des amis auteurs qui m’accompagnent dans cette tentative de rentrer dans le monde de l’édition. Le fait d’évoluer avec ces auteurs aux styles très différents me permet d’avoir des multitudes de retours sous divers prismes. J’ai aussi embêté Gō Tanabe sur pas mal de sujets parce que fallait profiter de sa présence ! 

Liminalis est un projet à la narration assez complexe, donc j’ai besoin d’avoir des retours public pour savoir comment ils peuvent réagir face à ça. 

En parlant de Gō Tanabe c’est lui qui a réalisé la couverture, comment s’est faite cette connexion ? 

© Gō Tanabe / Happy Misfits Publishing

S.A. : Gō Tanabe est un artiste que moi et Neal avons beaucoup lu. Quand on a commencé la campagne pour Liminalis, un constat a vite été établi : peu de gens connaissent Happy Misfits Publishing et le nom de Neal Pouyer. On avait beau croire beaucoup en ce projet, on allait se retrouver comme 2 Français qui sortent de nulle part et qui arrivent sur Kickstarter. 

Dans l’industrie du comics, il y a une culture et une économie de la couverture variante. C’est-à-dire que des gens vont s’amuser à acheter des comics qu’ils n’ont même pas forcément envie de lire, mais parce que la couverture est limitée et qu’elle a été dessinée par un artiste qu’ils aiment. 

Dans cette logique et pour qu’on puisse prêter attention à ce qu’on fait, il fallait que, le temps de la campagne, la couverture soit faite par un artiste dont le nom parle aux gens. Je souhaitais me tourner vers un artiste qui faisait du comics : André Lima Araújo et dont le dernier projet Phenomena, scénarisé par Brian Michael Bendis, collait bien avec Liminalis. On était en contact depuis la création de Happy Misfits, on voulait collaborer ensemble et il était intéressé pour faire la couverture. Par la suite, on s’est dit que ce serait cool que d’autres artistes fassent des réinterprétations de l’univers de Liminalis pour en sortir des prints. Il y a notamment Jorg de Vos, qui collabore souvent avec Métal Hurlant qui réalise un print qu’on a révélé il y a pas très longtemps et Théo Legouis, un pote artiste de Neal qui a aussi réalisé la couverture du dossier d’édition de Liminalis.

© Jorg de Vos / Happy Misfits Publishing


Puis un jour Neal m’a sorti sa carte : « Je connais un gars ». 

N.P. : Je l’avais déjà fait par le passé, mais là je devais lui sortir ma MEILLEURE carte. 

S.A. : Il s’avère que Neal et Gō Tanabe se suivent sur Twitter, donc on a décidé de lui envoyer un message pour lui proposer d’illustrer la couverture. Le problème étant quand même que Gō Tanabe est japonais et que même si j’ai fait 3 ans de japonais, c’était il y a 15 ans. On est donc passés par une traductrice pour le premier message et on lui a envoyé sur Twitter. Et à notre grande surprise, il nous a répondu dans les 3 minutes qui ont suivies. On pouvait plus passer par une traductrice vu la vitesse à laquelle ça allait, je suis donc passé par ChatGPT en le combinant à mes restes de connaissance du japonais et dès lors, on a échangé pendant deux semaines !

Gō Tanabe était très investi dans le projet, il a questionné Neal pendant des heures sur le déroulé de l’histoire. Il est vraiment rentré dedans, à tel point que ça me surprendrait même pas qu’il vienne un jour en disant à Neal : « Eh regarde, j’ai écrit un one shot qui se passe dans ton univers ! »

© Neal Pouyer / Happy Misfits Publishing

N.P. : Il voulait vraiment tout savoir. Il a extrapolé, il s’est imaginé pleins de petites histoires et il a même inventé sa propre fin.  À tel point que, Liminalis étant structuré en rêves, il a dessiné des bulles sur la couverture et que chaque bulle est un rêve qu’il s’est inventé. C’est un projet qui l’a inspiré et qui lui a parlé. Et il faut se dire que, je spoile un peu mais, la couverture c’est sa conception à lui de la fin. Ça a donné une couverture qui est très mêlée à l’histoire, au projet et qui est très représentative de l’ambiance de Liminalis. C’était un amour, on est super heureux d’avoir pu  collaborer avec lui. 

S.A. : À l’origine, cette illustration devait être qu’un print et pas la couverture, mais André Lima Araújo étant un artiste qui a l’habitude de faire la couverture pour des projets qu’il a eu l’occasion de lire et Liminalis n’étant pas prêt à être lu, il a eu du mal à s’approprier le projet. Au moment où, d’un commun accord, on s’est dit que ce n’était pas le projet le plus pertinent pour lui, on a reçu l’illustration de Gō Tanabe. Et quelle dinguerie ! C’était une évidence pour nous de l’utiliser comme couverture pour le projet. On lui a demandé son accord, c’est un homme de peu de mots, il a dit « OK » et c’est devenu la couverture.

Neal, si tu devais te placer en tant que futur lecteur de ton œuvre, est ce qu’il y aurait un tableau, une musique qu’il faudrait avoir à l’esprit au moment de découvrir Liminalis ?

N.P. : Si on doit partir sur de la musique, il faut que je parle de Cicada Sirens. En boardant Liminalis, j’ai écouté la bande son qu’il a réalisé avec 1000 Eyes pour le jeu Signalis. Je l’ai tellement écouté que ça s’est gravé dans Liminalis, à tel point que je pourrai dire quelle musique écouter pour découvrir telles ou telles scènes et ça au timecode près ! 

Ça nous a tellement plu avec Steeve qu’on s’est dit que si on atteignait un certain palier sur Kickstarter, on ferait un album de musique pour accompagner la lecture du bouquin et que pour se faire on leur demanderait directement.

Comme Gō Tanabe, ils ont accepté et ils étaient hyper emballés par le projet, donc si on atteint ce palier on aura un vrai album musical de Liminalis avec les mecs qui sont gravés dans le bouquin. 

© Tsutomu Nihei / Glénat

Pour étendre mes inspirations, je parlerai de Blame! de Tsutomu Nihei. C’est une œuvre quasi mutique dans laquelle un androïde se balade dans une immense structure de métal. Le gigantisme de ces environnements, la dimension post-humaine et cette sensation de marcher dans un cimetière vide m’a beaucoup marqué. Ça me fait aussi penser à Fumito Ueda et ses œuvres comme Shadow of the Colossus ou The Last Guardian et son art de créer des lieux qui ont accueilli des civilisations et dans lesquels on peut se balader en s’interrogeant sur le passé de ces lieux. Et enfin, je suis un immense fan des jeux d’horreur Silent Hill dans lesquels chaque créature est faite pour représenter des problématiques des personnages. Dans les jeux, il y a une recherche pour discerner ce qui est raconté en passant par le visuel. C’est un aspect très présent dans Liminalis où tous les éléments sont pensés pour avoir un sens. C’est même devenu un jeu entre Steeve et moi où il s’amuse à découvrir de nouveaux détails que j’ai caché dans mes planches. Ça rejoint ce côté « inspecteur » que j’évoquais et que j’ai envie de créer avec Liminalis

Et pour finir, quels sont les projets à venir qui feront de vous des « marginaux heureux » ? 

S.A. : Les prochains projets à venir seront des dessins de presse, une nouvelle œuvre de Neal quand on aura terminé la campagne de Liminalis et un projet dont je parle depuis que j’ai créé la boîte : Who Wants To Be God. La première partie dessinée par Mercening, une artiste qui vient d’Angoulême, est déjà disponible en physique sur le site de Happy Misfits.

Et petite exclu : on travaille ensemble sur une nouvelle histoire qu’elle a scénarisée qui s’intitule U Like UFO et qui se rapproche du manga graphiquement parlant tout en développant des thèmes et une ambiance très différents. Après Liminalis, ça me tenait à cœur de sortir un projet qui peut montrer qu’on sait faire autre chose que du manga chez Happy Misfits Publishing. 

Et enfin le projet Ghosts within Us dont l’idée est de sortir 24 histoires courtes dont 12 en proses illustrées et 12 en format bande dessinée. 24 histoires d’auteurices différents qui tournent autour du même thème : Ghosts within Us, « Les Fantômes en Nous », en laissant libre cours à l’interprétation des auteurices. Pendant la campagne de Liminalis, on a levé le pied sur ce projet, mais il y en a déjà 9 qui sont publiées et 3 qui vont sortir cet été. L’idée c’est de sortir ces 12 histoires dans un premier volume qui sera compilé par la suite. Les 3 premières sont disponibles gratuitement sur Substack, donc je vous invite à y jeter un coup d’œil pour vous faire une idée de ce qu’on peut faire chez Happy Misfits ! 

N.P. : Si la campagne pour Liminalis se passe bien, des projets j’en ai dans tous les sens ! On a pas décidé lequel serait à développer, mais j’ai hâte parce que ce sera une histoire plutôt character-driven, là où Liminalis avait un côté très solitaire avec un personnage majoritairement seul. 

©  Neal Pouyer / Happy Misfits Publishing

⬇️ Si ces quelques planches de Liminalis ont ravi votre cœur, sachez que la campagne de financement a atteint les 100 % ! Ce qui signifie que Liminalis va pouvoir exister, alors on vous invite à jeter un coup d’œil sur Kickstarter pour soutenir le projet !

Et si vous aimez lire en musique, n’hésitez pas a écouter la bande son réalisée par Cicada Sirens et 1000 Eyes dont parle Neal. C’est un très bon aperçu (musical) de l’univers de Liminalis qui vous permettra un premier pied dans ces terres où le rêve est roi.

En attendant, vous pouvez lire les projets déjà parus sur le Substack de Happy Misfits Publishing comme Ascendant’s Demon et Par delà les étoiles qui y sont disponibles gratuitement !


Les visuels sont © les auteurs & l’éditeur

©  Neal Pouyer / Happy Misfits Publishing
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