Ancien animateur chez Disney, Juanjo Guarnido se lance sur une idée que lui propose Juan Díaz Canales, un polar animalier assez sombre qui contraste avec le dessin chaleureux de la série. À partir de scénarios documentés, le détective John Blacksad nous fait vivre l’Amérique des années 50, en explorant les thèmes clefs de cette époque : corruption, racisme, espionnage ou encore les grandes heures de la guerre froide & de la beat generation. L’ambiance de la série rend hommage au travail de Dashiell Hammett ou de Raymond Chandler qui ont installé ce type de héros dans la littérature populaire. Avec un personnage de privé charismatique & efficace, mais paumé & plein de remords dans sa vie privée, les auteurs se coulent dans ces univers familiers qu’ils subliment à travers les choix graphiques des albums. Les premiers titres sont en grande partie des hommages à de grands classiques américains.
Un style proche de la patte Disney, très léché, que le dessinateur a durci pour un rendu plus sombre, plus adulte. Les personnages ne présentent pas tous le même degré d’animalité, chaque espèce correspond à un archétype : Juanjo Garnido synthétise l’essence de l’animal en trouvant des astuces anthropomorphiques. Avec un soin très particulier pour les expressions et le mouvement, il en ressort un dessin très vivant, derrière ses ambiances rétro. Que ce soit les décors ou l’utilisation de la couleur, on sent les références et les clins d’œil nombreux aux grands peintres réalistes Edward Hopper, Bernie Fuchs ou Coby Whitmore. Les trois premiers albums sont très réussis dans leurs rythmes, leurs histoires et la caractérisation des personnages. Les deux derniers semblent un peu moins en accord avec le ton initial, mais le trait de Garnido continue de gagner en puissance. Il est vrai que l’attrait de cette série réside principalement dans son graphisme, sa composition et son sens de la narration.
Un projet d’adaptation pour la télévision est évoqué par les auteurs, mais entre la reprise de Corto Maltese pour le scénariste et plusieurs projets de bande dessinée pour le dessinateur, il faudra encore patienter pour la suite. Un diptyque de Blacksad avec un retour à New York est annoncé et, entre-temps, un jeu vidéo qui explore une trame narrative différente pour ne pas interférer avec la série.
Le dessinateur était à l’honneur en 2019 publiant un livre atypique, Les Indes Fourbes avec Alain Ayroles au scénario. Un épais volume construit comme le récit, “véridique” selon son narrateur, d’un aventurier à la conquête du Nouveau Monde et de l’Eldorado. Succès de librairie, il a révélé une autre facette du talent du dessinateur qui a laissé de côté l’aspect animalier.
Illustrations : © Juanjo Guarnido / Juan Díaz Canales / Dargaud